La Bête à Bon Dieu
L’idolâtrie des valeurs
À quoi servent les valeurs ?
vendredi 16 mars 2007, par Richard Bennahmias

À quoi servent les valeurs ? la question peut sembler déplacée tant il semble évident qu’adhérer à des valeurs implique qu’on se mette à leur service. Mais Jésus ne dit-il pas que le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat ?
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Dans la pratique, nous nous comportons de façon pragmatique vis à vis des valeurs, quand bien même ces valeurs sont pour nous fondamentales.

Ainsi, en cette période électorale, une question est sur toutes les bouches : peut-on gouverner au centre ? Peut-on n’être ni de droite ni de gauche ? Peut-on faire collaborer ensemble des gens de droite et des gens de gauche ? Les arguments de bon sens ne manquent pas pour soutenir que les valeurs de droite et les valeurs de gauche étant antagonistes, il est illusoire d’espérer rassembler ceux qui y sont inféodés dans une action commune. Mais les arguments de bon sens ne manquent pas non plus pour faire remarquer que cet antagonisme n’est que théorique et que, dans la pratique de nos vies quotidiennes, nous essayons tous de réaliser tant bien que mal un compromis entre liberté et sécurité, entre responsabilité et assurance, entre effort et loisirs, etc…

Le commandement du sabbat est un des piliers de l’identité juive, mais "si ton boeuf ou celui de ton prochain est tombé dans un puit, tu ne vas pas le laisser s’y noyer."

La question est bel et bien celle-là : à quoi servent les valeurs ?

S’il faut juger l’arbre à ses fruits, il faut juger les valeurs aux effets qu’elles produisent. Mais on peut aussi ordonner les valeurs aux effets que l’on souhaite obtenir, les articuler dans un projet et arbitrer entre elles en fonction des résultats que l’on souhaite obtenir.

Ce faisant on fait tomber les valeurs de leur piedestal, de leur statut d’idôle pour les relèguer au rang d’outils au service de fins qui leur sont supérieures, on les relativise.

Il y a dans le Coran une définition qui dit de l’impie que c’est quelqu’un qui ne sait pas reconnaître sa droite de sa gauche. Quant à Jésus, il dit que notre main droite doit ignorer ce que donne notre main gauche. Mais cela signifie-t-il pour autant que nous ayons à renoncer à coordonner l’action de nos deux mains ? On imagine le résultat !!!

Il est vrai aussi que la droite et la gauche ont acquis dans l’histoire de l’humanité un statut particulièrement éminent : notre manière de nous orienter dans l’espace est structurée par cette polarité droite/gauche. Il suffit de demander son chemin dans la rue pour le constater. D’une manière générale, on peut dire que les valeurs servent à nous orienter dans la conduite de nos existences. Mais si les valeurs nous servent de boussoles, la question est de savoir qui tient la boussole et qui décide de l’itinéraire.

Il y a quelque chose d’inquiétant dans cette relativisation des valeurs

Si les valeurs ne s’imposent pas à nous, alors cela veut dire qu’elles se valent toutes et que nous pouvons faire n’importe quoi. Oui, nous pouvons faire n’importe quoi ! En d’autres termes, nous avons le choix.

Dans le Deutéronome, Dieu n’y va pas par quatre chemins, quand il dit : "J’ai mis devant toi la mort et la vie : choisis la vie" . Même sur des "valeurs" aussi fondamentales, il nous laisse le choix ! Même la vie et la mort sont à ses yeux des valeurs relatives : relatives à son choix, relatives à nos choix.

Le choix de Dieu, c’est la vie et il s’y tient avec fidélité. Et nous ? Ce qui donne de la valeur aux valeurs, ça n’est pas notre fidélité à leur égard, mais notre fidélité à nos propres choix. Le choix que nous faisons de nous y tenir ou pas.

Notre dignité d’êtres humains (et de citoyens) n’est pas de nous inféoder aux valeurs et de nous laisser embarquer dans les conflits qui les opposent ? C’est d’être ceux à qui il revient d’arbitrer entre elles en fonction des fins qui sont les nôtres.