La Bête à Bon Dieu
Faire ses Pâques
Retour au symbôle
jeudi 7 février 2008, par Richard Bennahmias

On dit « faire ses Pâques ». Cette fête chrétienne porte un nom pluriel qui fait référence à deux évènements qui se superposent dans une sorte de téléscopage historique de quelques dizaines de siècles. Le symbole sous lequel elle rassemble ces deux événements nous invite à nous convertir toujours à nouveau à la logique qui préside à la création de notre univers.
Accueil du site > Parole du Jour > Faire ses Pâques

Au singulier, le mot « pâque » vient d’un mot hébreu qui signifie « passage ». La Pâque initiale célèbre la naissance du peuple hébreu : un dieu se constitue un peuple à partir de rien, ou tout comme : un troupeau d’immigrés exploités comme esclaves par un pharaon égyptien. Deux épisodes marquants de cette naissance justifient l’emploi de la symbolique du passage pour la désigner à la postérité : ce dieu « passe » dans le camp des égyptiens qui refusent de libérer leurs esclaves, massacre leurs premiers nés mâles et épargne ceux des esclaves. Terrorisés par cet attentat à leur descendance, les égyptiens semblent céder et laissent partir les hébreux. Mais, dans un sursaut de dignité, ils reviennent sur leur lâcheté et lancent leurs armées à la poursuite des hébreux qui se trouvent acculés à la Mer Rouge. Les Hébreux crient vers le dieu qui les a mené dans cette impasse, les eaux de la mer se fendent, et ils passent tandis que les armées des égyptiens qui les poursuivent sont noyées par les eaux qui se referment sur eux.

C’est au cours de la commémoration de cet événement fondateur que, quelques siècles plus tard, se déroule l’événement fondateur du christianisme : les élites religieuses locales préférèrent discréditer aux yeux des foules et livrer à l’administration coloniale romaine un certain Jésus, qui passait pour le roi providentiel (En hébreux : « le Messie », en grec : « le Christ ») capable de briser le joug de l’occupation romaine. Les romains l’exécutent sur une croix après une parodie de procès. Le dieu des hébreux le fait passer de la mort à la vie. Progressivement, ce Jésus s’impose dans tout l’empire romain comme Christ, Seigneur, Fils de Dieu et Dieu lui-même. Les Pâques chrétiennes célèbrent la passion, la croix et la résurrection de ce Jésus.

Le Seigneur est notre dieu

Ce dieu-là, c’est notre dieu. Pour nous, c’est Dieu, puisque, faute de pouvoir le nommer par son nom propre, pour le désigner, nous mettons une majuscule au nom commun dieu.

Ce Dieu, nous confessons qu’il a tellement aimé le monde qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais qu’il ait la vie éternelle. Il s’agit pour l’Église réformée de France de « la révélation centrale de l’Évangile ». Le dieu dans lequel nous sommes invités à mettre notre confiance est celui qui fait passer non seulement chacun et chacune d’entre nous, mais aussi notre monde, de la mort à la vie.

Et aussi, de la part de ce dieu lui-même, quel passage ! Du règne, hélas tellement ordinaire, de la terreur à l’ouverture éternellement renouvelée vers la vie.

L’histoire des dix plaies d’Égypte, dont le massacre des premiers nés d’Égypte est l’atroce conclusion, peut se lire comme un combat du dieu des hébreux avec ceux de l’Égypte. Le pluriel des Pâques désigne donc aussi le passage d’une divinité, dont les conflits internes ensanglantent l’histoire humaine, à une divinité qui n’accède à l’unicité et à l’universalité qu’en se réconciliant d’abord avec elle-même et ensuite avec l’humanité.

Ce passage de la mort à la vie, c’est le mouvement même de la création de l’univers dans lequel nous sommes plongés. C’est en lui que nous sommes invités à nous confier dans chacune de nos entreprises.

Faire ses Pâques, c’est, au moins une fois l’an, laisser la symbolique du passage, incarnée dans l’histoire du Christ crucifié et ressuscité, nous convertir, nous retourner, à nouveau dans la direction qu’elle indique : de la mort vers la vie ; pour nous-mêmes, pour nos proches, pour le monde.