La Bête à Bon Dieu
Spiritualité et Homosexualité
pistes de réflexion
lundi 16 novembre 2009, par Richard Bennahmias

L’homosexualité pose-t-elle des problèmes spécifiques dans le développement d’une spiritualité satisfaisante, sinon épanouie ? Ouvre-t-elle des perspectives nouvelles ? Y-a-t’il une spiritualité homosexuelle ? Sincèrement, je ne le crois pas. Mais on peut se poser ces questions ? Certains les posent, nous les posent ou nous les opposent. Envisager une spécificité spirituelle du positionnement homosexuel, suppose de toute façon quelques prérequis.
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Il me semble en effet difficile d’aborder le thème « spiritualité et homosexualité » sans s’expliquer un minimum avec ce qu’on entend par « spiritualité », c’est-à-dire sans esquiver ce que l’usage de ce mot révèle de prise de distance à l’égard de la religion, mais aussi de difficulté à envisager la dimension sociale du phénomène de la croyance. Du point de vue de l’homosexualité, parler de spiritualité et non de religion ne doit pas être une position de repli en face de religions soupçonnées d’exclure l’homosexualité.

Même s’il s’agit sans doute avec l’homosexualité d’une modalité spécifique du positionnement par rapport à la différence des genres, nous ne pouvons pas non plus ignorer qu’il s’agit aussi de sexe et de sexualité. Parler de « spiritualité » ne peut pas être une manière d’esquiver la question des rapports complexes qu’entretient la religion, et donc la spiritualité, avec la sexualité.

La sexualité se situe au carrefour de nos conceptions de la nature (du monde, de l’univers), de l’humanité (l’individu ou l’espèce) et du langage (comme médiateur de notre rapport à nous-mêmes, à la société et à l’univers). Sans doute parce qu’elle reste un phénomène minoritaire sinon marginal, l’homosexualité a longtemps pâti d’être exclusivement décrite de l’extérieur, dans le cadre de conceptions qui, la plupart du temps, l’excluaient de la norme, avec ou sans justification religieuse. Nous ne pouvons enfin éviter de situer l’homosexualité par rapport à la sexualité en particulier et aux ordres dans lesquels elle s’insère : nature, humanité, langage (ontologique, anthropologique, symbolique).

Il me semble qu’une fois franchies ces trois étapes, nous serons mieux en mesure d’envisager s’il existe ou non une spécificité spirituelle du positionnement homosexuel.

1. Qu’est-ce que la spiritualité ?

1.1. Le sentiment religieux :

a) Rapport à la transcendance, à l’englobant
b) Sentiment de dépendance absolue
c) Besoin de participer

1.2. La religion :

a) Assurer la cohésion du lien social en articulant mythes et rites
b) Assurer la maintenance de l’ensemble des croyances qui rendent notre rapport à l’univers praticable
c) Gérer le rapport entre aspirations des individus et les lois du troupeau par le recours à une instance tierce et autre (la divinité)

1.3. La spiritualité :

a) Qu’est-ce que l’esprit ?

Y-a-t’il une dimension spirituelle de l’existence ? Les esprits ? Le spiritisme ? Culture de l’âme distincte (pas forcément opposée) de la culture du corps ?

b) Culture des croyances ?

Comment articuler croyances privées et croyances publiques ? De façon figée ou de façon dynamique ? Le souci de soi et le souci des autres ?

c) Le souci de soi

Se comprendre soi-même ? Se construire soi-même ? La qualité des énoncés de croyance qui constituent notre moi et de ceux qui constituent notre société ? Les croyances qui nous plombent et celles qui nous libèrent ? Comment je les hiérarchise ? Celles que je suis disposé à abandonner et celles auxquelles je tiens absolument. Puis-je me forger mes propres croyances ?

2. Complexité des rapports entre religion et sexualité

2.1. différence des genres et lien social

a) Rôle symbolique de la différence mâle/femelle ?

Dans notre compréhension de l’ordre naturel, dans notre conception de la nature humaine, dans la structuration de la société, dans la grammaire du langage ? La différence homme/femme est-elle le modèle fondamental de notre rapport à l’altérité ?

b) Importance de la différence mâle/femelle dans notre identité personnelle :

ce dont j’hérite, ce que je comprends, ce que j’accepte, ce que je rejette, ce que je construis moi-même, comment je le négocie avec mon entourage et mon environnement ?

c) Comment les religions mettent en scène cette différence ?

Quelle importance lui accordent-elles ? Absolutisation ? Relativisation ? Place de cette différence dans les mythes fondateurs ? Une divinité unique est-elle mâle ou femelle ? Religion et spiritualité figent-elles les positions ou favorisent-elles une négociation ?

2.2. Économie de l’énergie libidinale

a) Canaliser le désir :

ce dont la satisfaction directe mettrait en cause la cohésion ou la survie du collectif ? Le désir comme origine de la guerre de tou(te)s contre tou(te)s.

b) Interdit et sublimation :

Ce qui est inter-dit est-il ce qui est susceptible de mobiliser le maximum d’énergie libidinale au profit de la créativité personnelle ou collective ?

c) Pro-créativité et/ou créativité spirituelle :

canaliser l’énergie libidinale au profit de la société : des enfants et/ou des oeuvres d’art. Produire son/ses propre(s) bien(s), en jouir, les offrir à la jouissance d’autrui, avec ou sans contrepartie.

2.3. jouissance sexuelle et spiritualité

a) La notion de tabou :

la caractère sacré de ce qui est interdit. Qu’est-ce qui est sacré dans la sexualité ? Maintenir à distance, respecter des seuils, les franchir.

b) L’expérience mystique :

extase et orgasme . La jouissance de l’autre et la mienne. Le plaisir et tout ce qui relève de l’approche (prochain, proximité, etc…) et qui suppose la culture d’une séparation. Quel rôle pour le langage et la parole ?

c) Le plaisir donné et partagé comme manifestation de la grâce

3. Situer l’homosexualité

par rapport à la sexualité en particulier et aux ordres dans lesquels elle s’insère (nature, humanité, langage) ?

3.1. Les objections à une sexualité et à une spiritualité épanouies

a

) Immaturité psycho-affective : oral, anal, génital , etc… Toute-puissance et refus de la finitude.
b) Déni de la différence mâle/femelle
c) Homo hétéro : refus de l’altérité

3.2. Réponses aux objections

a) Autres formes de maturité ? Lesquelles ?
b) Autres positionnements par rapport à la différence des genres ? Lesquels ?
c) Variété des manifestations de l’altérité. La singularité personnelle manifestée, portée, symbolisée par le nom propre. La marque du genre est-elle première ?

3.3. Spiritualité, sexualité et compréhension de soi

a) Qu’est-ce qui est hérité : génétique, culture, langage ?
b) Qu’est-ce que je fais avec (Ça) ça ?

Quelle marge de manoeuvre pour une acceptation, compréhension, création de soi ?

c) Comment négocier avec la nature, la société, l’ordre symbolique, la divinité ? Rôle de la religion et de la spiritualité dans cette négociation.

4. Spécificité spirituelle du positionnement homosexuel ?

4.1. Statut minoritaire et urgence éthique

a) Ne pas « être comme toute le monde » impose de se poser la question : qu’est-ce que je fais (de bien) avec ça ?
b) Il n’y a pas d’autre issue à la difficulté de se comprendre et de s’accepter soi-même que de s’engager dans une création de soi-même.
c) Comment à partir de là développer une créativité éthique ?

4.2. Rapport à la norme, à l’ordre, à la Loi :

a) Comment se ménager et négocier une niche éthique dans la morale commune.
b) Peut-on développer une conception pluraliste de la norme ?
c) Quelles conceptions de la nature (mais plus fondamentalement de l’Être) et de l’humanité pour supporter cette norme ?

4.3. En quoi la spiritualité peut contribuer à cette créativité éthique et morale ?

a) Se construire soi-même, c’est se décrire soi-même,

c’est-à-dire développer un système de croyances privées (personnelles) en bricolant avec les croyances héritées donc publiques

b) Se construire soi-même c’est aussi se faire accepter et reconnaître par les autres

Comment les croyances privées qui nous permettent de faire contribuer notre homosexualité à notre recherche de bonheur peuvent-elles s’articuler aux croyances (morales) qui assurent la paix du vivre ensemble ?