La Bête à Bon Dieu
Mariage homosexuel
La terreur des christiano-lacaniens
mardi 1er août 2006, par Richard Bennahmias

Ça n’est pas le mariage homosexuel qui gène les christiano-lacaniens, mais l’existence sociale même du couple homosexuel parce qu’elle ne cadre pas avec un ordre symbolique dont ils ont fait le postulat de leur idéologie.
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Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête parce que le maire de Bègles a tenté de faire évoluer à la hussarde une institution pas encore vieille de deux siècles. Mais le débat engagé est une fois de plus l’occasion pour le lobby christiano-lacanien d’imposer sa domination idéologique au sein de l’Église réformée.

"Tout est symbolique"

Qui nous fera croire qu’accorder aux couples homosexuels le bénéfice des dispositions du Code Civil relatives au mariage remet en cause l’invariant anthropologique de la différence des sexes ? Ou que l’égalité de traitement juridique entre des couples hétéro et homo entretient la confusion entre ces deux orientations sexuelles ? Ces distinctions sont indépendantes du droit et peuvent être juridiquement marquées aussi bien à l’intérieur de l’institution du mariage qu’à l’extérieur. Ça n’est pas forcément souhaitable, mais cela ne menace pas l’ordre public de l’apocalypse qu’on nous prédit. Ça n’est pas le mariage homosexuel qui gène les christiano-lacaniens, mais l’existence sociale même du couple homosexuel parce qu’elle ne cadre pas avec un ordre symbolique dont ils ont fait un absolu. On amalgame sans autre forme de procès l’homosexualité avec la tendance de nos sociétés à l’hédonisme et à l’immédiateté ? On ajoute que les homosexuels sont par définition psychiquement immatures. Hors le pathos psychanalytique convoqué à l’occasion, rien de nouveau, donc, dans ce mépris !
Mais où s’agit-il avec le mariage de remettre en cause les limites, ou de vouloir tout tout de suite ? Demander le bénéfice de la loi pour la relation homosexuelle, c’est au contraire tenter de l’inscrire dans les limites de la durée, de l’exclusivité et de la fidélité. Les christiano-lacaniens refusent de laisser rentrer la relation homosexuelle dans les limites de la loi. Ils souhaitent qu’elle reste hors la loi parce qu’ils craignent que son inscription dans l’ordre de la loi (c’est-à-dire pour eux dans l’ordre symbolique) ne fasse éclater l’ordre de la loi (ou pire : l’ordre symbolique, c’est-à-dire à terme notre capacité à user efficacement du langage). Cette assimilation du juridique au symbolique est idéologique en ce qu’elle ne reconnaît pas au juridique son autonomie propre. Le "tout est symbolique" des christiano-lacaniens d’aujourd’hui a remplacé le "tout est politique" de nos christiano-marxistes d’autrefois. Je ne suis pas sur que ni l’éthique, ni la théologie n’y gagnent au change.

Une question de vocation plutôt que de droit.

Par rapport au Pacs, l’article 213 du Code Civil définit le but spécifique du mariage : "Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille ; ils pourvoient à l’éducation des enfants et préparent leur avenir".
Pourquoi feindre de croire que ce n’est pas vraiment cela que souhaitent les couples homosexuels qui demandent le mariage ? Quelque soit la manière dont on y répondra, la demande ne peut être traitée par le mépris. Elle n’a aucun rapport avec l’exacerbation des désirs individuels, mais vise leur soumission à un ordre qui les transcende.
Mariage, parentalité et inscription dans une lignée sont étroitement liés. L’inscription dans une lignée dépend en amont comme en aval de tant d’impondérables qu’il serait ridicule de parler non seulement de droit à l’enfant, mais encore plus de droit à la lignée. Il est beaucoup plus question ici de vocation et de grâce que de droit. Le droit tend seulement à pondérer les effets du hasard et à inscrire un tout petit peu de volonté, d’humanité et de sens dans un chaos d’incertitudes. Pourquoi refuser aux homosexuels cette vocation et le bénéfice d’un droit qui leur permettrait de l’accomplir ? Les homosexuels ne revendiquent pas un droit, ils demandent à ne pas être exclus du droit. Pourquoi les maintenir du coté du non-sens et de la sous-humanité ? Cela se lit entre les lignes du modèle normatif de génération différenciée invoqué par les christiano-lacaniens : l’inscription d’une parentalité homosexuelle dans la structure générationelle risquerait selon eux de la faire sombrer dans le non-sens et d’aboutir à une déshumanisation de nos sociétés.

On en a brûlé pour moins que ça !