La Bête à Bon Dieu
La fin du "Sola Fide" … ou sa résurrection ?
lundi 4 décembre 2006, par Richard Bennahmias

L’effet de mode qui connote le terme de post-modernité vaut par lui-même référence à la situation intellectuelle, morale et spirituelle de notre fin de siècle. Le destin de la théologie n’est pas forcément lié au monde dont la post-modernité prétend annoncer le naufrage. Mais il est probable que la post-modernité ébranle quelques-unes des évidences sur lesquelles s’appuie la théologie.
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Le sola fide auquel les Églises issues de la Réforme ont confié leur destin peut-il survivre à la disparition de l’image moderne de l’homme auquel il s’adressait ? La post-modernité oblige-t-elle le christianisme occidental à sortir d’une focalisation sur la question du salut ? Ouvre-t-elle des pistes pour une affirmation renouvelée du sola fide ? Toujours est-il qu’elle contraint la théologie protestante à recomposer les croyances qu’elle articule à partir de là en reconsidérant son refus originel de la voie ontologique et en s’interrogeant sur la « modernité » de ses conceptions anthropologiques.
Pour ce faire, il n’est pas inutile de jeter au moins un regard oblique sur les déconstructions que la post-modernité fait subir à la philosophie. Le philosophe nord-américain Richard Rorty semble tout indiqué pour cet exercice puisque, si l’on en croit Klauspeter Blaser [1], il faut en faire l’un des vis à vis philosophiques du courant éliminationiste des théologies post-modernes. Rorty rattache la plupart de ses arguments à une tradition philosophique née au coeur de la modernité, celle du pragmatisme. C’est sans doute au nom de ce pragmatisme que Rorty se défend de partager le nihilisme de ce que Harold Bloom appelle l’école du ressentiment ou de ce qu’il nomme lui-même l’école de l’amertume. Selon Cornel West, c’est chez Rorty que les vues historicistes et antiréductionnistes développée par la post-modernité aboutissent à un néo-pragmatisme qui se donne son style propre [2]
Parce qu’elle constitue le point de départ de la démarche philosophique de Rorty, la référence aux pères fondateurs du pragmatisme s’impose. Elle permet de mesurer les apports du pragmatisme originel à la post-modernité et les inflexions que Rorty lui fait subir. Elle inscrit dans une perspective historique la contribution du néo-pragmatisme défendu par Rorty aux effets éliminationnistes du discours post-moderne. Elle permet aussi de mieux saisir les issues que le pragmatisme est susceptible d’offrir aux impasses de la post-modernité. Elle permet enfin d’envisager comment la théologie peut tirer parti de ces ouvertures dans ses réponses à la post-modernité.

L’attachement de Richard Rorty a une conception pragmatiste de la vérité qui affirme que nos conceptions sont des "croyances" corroborées par l’expérience et non des "représentations" nous semble donner toutes ses chances à une affirmation renouvelée du sola fide

Notes

[1] Blaser, 1996, p. 194

[2] West, 1991, p. 396